vendredi 11 décembre 2015

Ay agu





                                            Ay agu
                                            Brume
                                         


                           
                                     
                                         un extrait du documentaire sur Mhammed issiakhem
                                         

La révolution qui dévore ses enfants...

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Dans ce texte, le poète renvoie à un exilé dont la patrie subit le règne de l’arbitraire. Dans un prélude où la poésie se mêle à la méditation, il s’adresse à ses anciens amis. Il les hèle vainement. Il les retrouve dans le rêve. Il les considère comme la seule voie de secours pour chasser l’angoisse qui le hante et qui le dévore sur une terre étrangère.

Dans un rappel historique, le poète met en scène un pays innommé, mais il s’agit bien sûr de l’Algérie, où toutes les cartes sont brouillées. Ceux qui, hier, furent du côté de l’ennemi sont aux commandes. Ils ont chassé tous les autres, ceux-là même qui ‘’ont préparé la grenaille de plomb» pour l’ennemi au moment où les autres lui préparaient des ‘’agapes’’.
Mais, la génération d’alors, happée par les nécessités terre à terre d’aujourd’hui, ne se souvient plus. La mémoire de la nouvelle génération ne s’articule sur aucun relais. Il faut bien procéder à un travail de mémoire. Le héros du poème rappelle que, à la fin de cette ‘’malédiction’’ (la guerre), il finit par tomber sous la férule et la protection des anciens félons.

Gardant sa fierté et ne voulant céder à aucun clientélisme, il fait valoir l’authenticité de ses racines : ‘ . C’est alors qu’il décide de s’exiler laissant son frère aux commandes ‘’se livrer à ses lubies’’ (‘’labourer et battre le blé’’, selon le texte kabyle).

Ce sont tous les avatars de l’Algérie indépendante qui sont sériés dans ce texte d’Aït Menguellet. C’est la révolution dévoreuse de ses enfants. Exilés politiques, artistes réduits au silence, exilés de la parole libre, bref, tous ceux qui ont subi le retour de manivelle d’un combat dénaturé et perverti par les ‘’légionnaires’’ de la 25e heure et les médiocres à qui le destin a curieusement et injustement souri. Une vacuité sidérale hante le pays et un malaise indéfinissable habite les esprits.

Le poète y met une poésie d’une rare beauté faisant intervenir un élément du cosmos, la lune, que l’exilé interrogera par une série de questions. Ici, la lune est considérée comme un élément fédérateur observé par l’exilé depuis son lieu d’élection mais aussi par les amis qu’il a laissés au pays. Subitement, un autre élément de la nature survient. C’est le brouillard. L’exilé engagera un dialogue avec cette masse brumeuse. Il la questionnera sur son lieu de provenance. Le brouillard vient du pays du proscrit. Qu’a-t-il vu ?

Il a vu les amis chéris de notre infortuné proscrit. Ce dernier veut savoir si son frère tien toujours les rênes du pouvoir. Le brouillard lui répond par l’affirmative en lui faisant observer que c’est un ‘’pouvoir sans brides’’ qui ne redouterait rien ni personne à vouloir se perpétuer. L’arbitraire continue, lui apprend-t-il.

Même si, par intermittences, il est mis en veilleuse, il se régénère. Voulant savoir où se destine exactement le brouillard que ramènent les vents jusqu’au lieu où se trouve le proscrit, cet élément de la nature lui annonce qu’il vient en mission, sur ordre des frères régnant sur le pays, pour voiler le soleil de l’infortune exilé !
Mordante allégorie à la situation d’arbitraire vécue par l’Algérie pendant les années 70 après une révolution sanglante mais prometteuse, A Yagu est l’un des textes d’Aït Menguellet les plus élaborés sur le plan du style, du contenu politique et revendicatif et sur le plan de la ‘’narration’’ si l’on peut se permettre ce concept appliqué à la prose.

Amar Naït Messaoud.

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Ay agu

Muqlent wallen
Anid’aa walint ahbib

Ulac-iten
Ur d-ƫƫawen ur qrib
Anida-kwen
Anda tṛuhem
A wid ur nqebbel ara lɛib

Ul-iw yugi
Ad yamen belli tekfam
Lakwen-iƫnadi
Yeƫƫaf-ikwen di lemnam

Anida-kwen
Sanga-tṛuhem
A wid i ɣedṛen wussan

Lwehc yezga
Yuɣal wul-iw d axxam-is
ɣuri yfa
yakw ayen i-gnuda wul-is
anida-kwen
d lfeṛh nnwen
iss ara yeğğ amkan-is

lwehc yenna-k
d axxam-iw ara rreɣ ul-ik
tura zmerɣ-ak
al’iṛfiqen i d afriwen-ik

widak ṛuhen
ulac-iten
w’ara yilin d amɛiwen-ik

nfiɣ akken yakw nfan
lameɛna ssebba yiwet
d gma mi s-mennaɣ lehsan
yekker-ed ɣri ad iy-iwet
nfiɣ ad beddelɣ amkan
qim a gma kerz sserwet

a d-nesmekti lğil yeƫƫu
ɣef ar asmi nemmed arkas
mi-geftel i weɛdaw seksu
nek ftelɣ-as-d ahlalas
asmi tekfa ddeɛwessu
ɣliɣ ddaw leɛnaya-s

leɛnaya-k tecb’amesmaṛ
yeran di tesga yeqqim
nek a k-d-gganiɣ amnaṛ
seg-ufus-ik ad ččeɣ alqim
si tasaft i d-giɣ asɣar
mačči d dderga uɣanim

seg-wasmi beɛdent wallen
ur ctaqent imeṭṭi
neɣ uṛğant w’aa d-iṛuhen
xeṛṣṣum a t-id-nesteqsi
mačči d keč i di-iɣaen
d akal i seg i d-nefruri

a tiziri
i d-idehnen tiɣaltin
a tiziri
anida lliɣ
anida bɣun ilin
a tiziri
la kem ƫwaliɣ
akken i la kem id ƫwalin
a tiziri

uṛğiɣ lexbaṛ
yeɛdel yielli d wassa
uṛğiɣ lexbaṛ
yeɛdel wassa d uzekka
uṛğiɣ lexbaṛ
am unebdu am ccetwa
uṛğiɣ lexbaṛ
ƫɛessaɣ mkul ğiha

yussa-d wagu yufa-yi-d
mi t-steqsaɣ yenna-yi-d

ay ameɣbun-iw ah…

ansi d-tekki ay agu
ay agu d-yebbwi wau

kkiɣ-d ansi d-tṛuhe
sang¸akken ur teƫƫuɣale

ay ameɣbun-iw ah…

d ac’i d-teri ay agu
ay agu d-yebbwi wau

riɣ-d agad i themmle
ur teƫɛawae a ten-tere

ay ameɣbun-iw ah…

d ac’i diy-infan ay agu
ay agu d-yebbwi wau

seg-wasmi yemmut babak
itbeddel targit fellak

ay ameɣbun-iw ah…

ma mazal gma yehkem
ay agu d-yebbwi wau

ahkim ur nesɛ’ar ahkim
anw’aa yagwad ma yeqqim

ay ameɣbun-iw ah…

ml-id ma yella lbael
ay agu d-yebbwi wau

d atemeten-ik i t-ixeddmen
mi ɛyan degs a t-nelen

ay ameɣbun-iw ah…

ihi yemmut lbaƫel
ay agu d-yebbwi wau

d atmaten-ik i t-inelen
i la t-id yessekfalen

ay ameɣbun-iw ah…

sang’i d-tṛuhe ay agu
ay agu d-yebbwi wau

ceggeɛ-yi-d watmaten-ik
iwakken a k-ɣummeɣ iṭij-ik

ay ameɣbun-iw ah…


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Brume

Mes yeux ont cherché
Où trouver un de mes amis.
Ils ne sont plus autour de moi
Et leur arrivée est compromise.
Où êtes-vous ?
Où êtes-vous allés ?
Ô vous qui refusiez le déshonneur.

Mon cœur refuse
De croire que je n’ai plus d’amis.
Ils vous cherchent,
Il vous retrouve dans les rêves.
Où êtes-vous ?
Où êtes-vous allés ?
Vous que les jours ont trahis.

La nostalgie est permanente
Elle a fait de mon cœur sa demeure.
Elle trouve en moi
Tout ce qu’elle pouvait désirer.
Où êtes-vous ?
Il n’y a que votre joie
Qui puisse lui prendre sa place.

La nostalgie m’a dit :
Je ferai de ton cœur ma résidence.
Maintenant je peux te vaincre
Car tes amis étaient ton seul salut.
Ils sont, maintenant, partis
Ils ne sont plus là
Qui viendrait à ton secours ?

Je suis banni comme tous les bannis
Mais pour une raison qui m’est propre :
Le frère en qui j’espérais le bien
A résolu de me combattre.
Je pars, je change de pays
Reste frère, laboure et moissonne à ta guise.

Rappelons à la génération oublieuse
Le temps de notre engagement :
Quand lui servait le couscous pour l’ennemi,
Moi je le truffais de billes de plomb.
Quand le conflit prit fin
Je me suis retrouvé sous sa protection.

Ta protection est semblable au clou
Planté face à l’entrée à demeure
Tandis que moi du seuil je guette
Pour recevoir pitance de ta main

C’est du chêne que je tire racine
Non du roseau

Depuis que mes yeux ont connu l’exil
Ils n’ont pas manqué de larmes
Ils attendent que le messager vienne
Pour du moins l’interroger
Ce n’est pas de toi que j’ai peine
C’est de la terre d’où nous sommes issus

Clair de lune
Qui oins les crêtes
Clair de lune
Où que je sois
Où que nous soyons
Clair de lune
Je te contemple
Comme tous te contemplent
Clair de lune

J’attends les nouvelles
Aujourd’hui comme hier
J’attends les nouvelles
Aujourd’hui comme demain
J’attends les nouvelles
Hiver comme été
J’attends les nouvelles
De toutes parts

Puis vint la brume qui me trouva
Et quand je l’interrogeai me dit :
Mon pauvre gars…

D’où t’en viens-tu brume
Brume poussée par le vent?

Je viens d’où tu es venu
Où jamais plus tu ne repartiras

Mon pauvre gars…

Qu’as-tu vu là-bas brume
Brume poussée par le vent?

J’y ai vu ceux que tu aimais
Et que tu ne reverras plus
Mon pauvre gars…

Qu’est ce qui m’a poussé à l’exil brume
Brume poussée par le vent ?

Du jour où ton père est mort
Tu n’as plus les mêmes rêves

Mon pauvre gars…

Peut-être mon frère a-t-il encore le pouvoir

Le pouvoir sans contre-pouvoir
Qu’a-t-il à craindre à s’installer

Mon pauvre gars…

L’injustice dis-moi s’exerce-t-elle
Brume poussée par vent?

Ce sont tes frères qui la pratiquent
Et qui, quand ils en sont las, l’enterrent

Mon pauvre gars…

L’injustice est donc morte
Brume poussée par le vent?

Tes frères qui l’ont enterrée
Maintenant la déterrent

Mon pauvre gars…

Où t’en viens-tu ainsi brume
Brume poussée par le vent ?

Tes frères m’envoient
Pour voiler ton soleil

Mon pauvre gars…

(traduction de Tassadit YACINE)



2 commentaires:

  1. Splendide, Je ne connaissais pas cet auteur jusqu'à ce matin quand je l'ai entendu à la radio!

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